RÉARMEMENT MORAL (OU POLITIQUEMENT CORRECT)
La dystopie du Profanateur (1956) s’appelle le « Réarmement moral »… Bien avant le politiquement correct, l’interdiction de fumer dans les avions et lieux publics, les prières obligatoires à la Maison Blanche, les sermons du prêcheur Pat Robertson et les diatribes contre l’homosexualité du néo-conservateur William Kristol, le Réarmement moral inventé par Dick interdit de fumer, de boire de l’alcool ou encore de draguer ostensiblement sur son lieu de travail. Soit une véritable prémonition, avec l’indispensable touche d’imaginaire techno-scientifique, en la « personne » d’auxiliaires de police d’une neutralité absolue, garants des bonnes mœurs : les « juvéniles », « petits mouchards métalliques », « robots-espions assez semblables à des perce-oreilles géants ». Se déplaçant « en rampant sur le sol ou en grimpant le long des surfaces verticales à une vitesse extravagante »1, ces braves insectoïdes, parents des 25 millions de caméras de vidéosurveillance qui quadrillent la Grande-Bretagne, contrôlent, regardent, entendent et enregistrent tout sur leurs bandes magnétiques. Et ils dénoncent les humains par trop incorrects.
1 Philip K. Dick, Le Profanateur, dans le recueil La Porte Obscure, Presses de la Cité/Omnibus (1994), p. 830-831.